Un concert à guichets fermés, des dizaines de camions, des jets privés en rotation… et un tweet vantant une tournée « carbone neutre ». L’industrie musicale affiche un engagement vert, du moins en apparence. Mais s’agit-il d’un engagement sincère, d’un greenwashing ou d’une communication bien orchestrée ?
Qu’est-ce que le greenwashing ?
Le greenwashing est une pratique marketing trompeuse qui consiste à faire croire qu’un produit, une entreprise ou une organisation est écologique, alors qu’il ne l’est pas réellement.
Exemples:
- Utiliser des termes vagues comme « naturel », « vert », « durable » sans preuve ou certification.
- Afficher des images de nature (plantes, animaux, paysages) pour vendre un produit polluant.
- Mettre en avant une action écologique mineure pour détourner l’attention de pratiques beaucoup plus nuisibles.
Depuis quelques années, la question environnementale s’impose dans tous les secteurs. Notamment, elle s’invite désormais dans celui de la musique. De nombreux artistes et festivals communiquent désormais sur des actions écoresponsables : tournée « verte », merchandising durable, donations à des associations. Pourtant, derrière cette vague verte, certains dénoncent un double discours. Cet article explore les pratiques actuelles, les contradictions et les efforts réellement engagés dans la musique face à l’urgence climatique.

Des artistes qui veulent faire la différence 🎤
Shaka Ponk : l’engagement jusqu’à la scène
Le groupe français Shaka Ponk a marqué les esprits en annonçant la fin de ses tournées, une décision radicale motivée par leur volonté de réduire leur empreinte carbone. Leurs déplacements, l’éclairage scénique, le transport du matériel et les besoins énergétiques d’un concert génèrent une empreinte écologique non négligeable. Selon une étude de Julie’s Bicycle, une tournée moyenne peut émettre entre 50 et 100 tonnes de CO₂ par artiste. Conscients de cette contradiction entre leur message et leur activité, Shaka Ponk a préféré se retirer des tournées pour sensibiliser autrement, par exemple via des actions digitales ou locales.
Coldplay : une tournée sous surveillance
Coldplay a adopté une approche plus technique : lors de leur dernière tournée Music of the Spheres, ils ont mis en place une série d’initiatives pour réduire l’impact environnemental de leurs concerts. Parmi ces mesures, ils ont installé des scènes alimentées par énergie solaire et cinétique (les mouvements du public activent des planchers générateurs), utilisé des huiles végétales recyclées pour les transports, remis des bracelets LED recyclables au public, et planté un arbre pour chaque billet vendu. Leur rapport de durabilité 2023 indique qu’ils ont réduit de 47 % les émissions par billet vendu. Toutefois, leur bilan carbone reste élevé, notamment à cause des trajets aériens nécessaires pour une tournée mondiale.
Radiohead : pionnier discret de la durabilité
Depuis les années 2000, Radiohead s’efforce de limiter son impact environnemental. Lors d’une tournée en 2008, ils ont élaboré une stratégie logistique optimisée : ils choisissent les salles en fonction de leur accessibilité par les transports publics, limitent les trajets en avion, et réduisent la consommation énergétique sur scène. Thom Yorke s’est aussi exprimé contre les concerts trop polluants et refuse de se produire si les conditions minimales écologiques ne sont pas respectées. Leur site web propose même des conseils pour organiser des concerts durables. Ils ont collaboré avec l’ONG Friends of the Earth pour évaluer et réduire leur impact.

Greenwashing musical : des exemples qui interrogent 🎶
Taylor Swift, les jets privés et la dissonance carbone
Yard rapporte que Taylor Swift a effectué plus de 170 vols en jets privés en un an. Ces déplacements représentent environ 8 293 tonnes de CO₂ émises en 2022. Bien qu’elle soutienne publiquement des initiatives écologiques et encourage ses fans à adopter des comportements durables, cette fréquence de vols privés entraîne une empreinte carbone massive. Ce chiffre équivaut aux émissions annuelles de plus de 1 000 citoyens européens moyens. Cette situation soulève un dilemme d’image et de crédibilité, mettant en question la cohérence entre son discours public et ses pratiques privées.
Katy Perry et la fusée : quand le message part en orbite
En 2021, Katy Perry a été associée à un projet de vol spatial touristique avec Blue Origin. Cette initiative a été très critiquée pour son impact écologique disproportionné. L’empreinte carbone d’un seul vol suborbital est estimée entre 200 et 300 tonnes de CO₂ selon la NASA, soit l’équivalent de plusieurs décennies d’utilisation d’une voiture. Pour une artiste qui se dit proche de causes environnementales, ce type d’initiative est perçu comme un décalage voire une provocation.

Un autre business invisible : le merchandising « écolo »… ou pas 👕
Le textile de tournée : de plus en plus vert, mais à quel prix ?
Le merchandising représente une part importante des revenus des artistes en tournée. Pour verdir leur image, beaucoup d’entre eux proposent aujourd’hui des T-shirts en coton bio, des sacs réutilisables ou des goodies recyclés. Cependant, derrière ces initiatives, la réalité se révèle moins reluisante : la fabrication se déroule souvent dans des pays à bas coût, ce qui engendre une empreinte carbone importante liée au transport. L’industrie textile génère à elle seule 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Par ailleurs, les labels écologiques manquent parfois de contrôle. De plus, la frénésie de consommation autour de ces articles va à l’encontre d’une démarche de sobriété.
Entre greenwashing et contradiction marketing
Certaines tournées présentent des « collections écoresponsables » comme argument de vente, mais sans modifier en profondeur la chaîne de production. Les artistes continuent à vendre des quantités massives de produits textiles, parfois surproduits et non recyclés. Cette approche marketing renforce l’image verte sans que l’impact environnemental soit réellement réduit. Billie Eilish, par exemple, propose une ligne de vêtements 100 % biodégradables produite aux États-Unis pour limiter le transport, mais cela reste une exception. Le merchandising devient alors un outil de greenwashing plutôt qu’un véritable levier de changement.

Des efforts collectifs : festivals et actions concrètes 🎸
We Love Green, pionnier du festival éco-conscient
Depuis 2011, le festival We Love Green à Paris met l’écologie au centre de sa programmation. L’événement est alimenté par de l’énergie renouvelable (solaire et biogaz), les repas servis sont 100% bio ou locaux, et les déchets sont triés sur place avec une politique « zéro plastique ». Il attire en moyenne 80 000 spectateurs par édition. Des conférences sur les enjeux climatiques complètent la programmation musicale. We Love Green sert de laboratoire d’idées pour repenser la production d’événements culturels. Il revendique une empreinte carbone réduite de 75 % par rapport à un festival classique de même taille.
Donations et compensations : vraie solution ou greenwashing ?
Certains artistes comme Billie Eilish ou Massive Attack investissent dans des programmes de compensation carbone (reforestation, projets d’énergies propres, etc.). D’autres, comme Pearl Jam, publient un bilan carbone à la fin de chaque tournée. Ces pratiques encouragent la transparence, mais restent discutables : peut-on vraiment compenser l’impact d’une tournée mondiale en plantant des arbres ? Il faut environ 50 ans à un arbre pour absorber 1 tonne de CO₂. Pour les experts, la compensation ne doit pas être un alibi, mais un complément à une réduction concrète des émissions.
Conclusion: Communiquer vert, agir vrai ! ✅
L’industrie musicale se trouve à la croisée de la création, de la communication et de la conscience écologique. Si certains artistes comme Shaka Ponk, Coldplay ou Radiohead s’efforcent de repenser leurs tournées et pratiques pour limiter leur impact, d’autres multiplient les initiatives de façade, flirtant dangereusement avec le greenwashing.
Dans cette course à la réputation verte, la communication devient une arme à double tranchant : elle peut sensibiliser, mobiliser, mais aussi dissimuler. Pour mieux comprendre les subtilités entre communication sincère et greenwashing, n’hésitez pas à consulter cet article consacré à la communication climatique et à ses enjeux.
Face à cela, l’exigence d’une communication responsable, transparente et alignée avec des pratiques mesurables devient essentielle. Car si la musique peut être un vecteur puissant de mobilisation, encore faut-il qu’elle résonne avec sincérité et cohérence.
Le défi est immense, mais l’harmonie entre art et écologie n’est pas une utopie. Elle est déjà en train de s’écrire, note après note.
Et vous, quelle note ajouteriez-vous à cette partition ?🌱
Qu’aimeriez-vous voir changer dans l’industrie musicale pour qu’elle joue plus juste avec la planète ?